Au Québec, les jeunes du deuxième cycle du secondaire sont plus nombreux (33 %) que leurs pairs du premier cycle à vivre avec un niveau élevé de détresse psychologique ou à avoir un trouble anxiodépressif diagnostiqué (6,1 %).
Bien qu’il existe différentes études montrant l’efficacité de programmes destinés à atténuer ces symptômes, peu d’entre elles ont évalué l’effet des activités parascolaires sur l’adaptation psychosociale des élèves. Ces activités représentent un contexte privilégié afin de mobiliser les forces des jeunes et de leur environnement en vue de favoriser l’épanouissement des adolescents.
Candidate au doctorat à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, Rocio Macabena Perez a choisi de mener un projet de recherche en méthodes mixtes auprès d’élèves du deuxième cycle du secondaire en les faisant participer à un programme parascolaire artistique nommé Art en tête.
Pour les jeunes ayant des difficultés socioémotionnelles
Offert depuis 2021 par l’organisme à but non lucratif MU, Art en tête est un programme parascolaire artistique d’art mural «voué à soutenir et à promouvoir l’adaptation psychosociale et scolaire d’élèves du secondaire présentant des difficultés socioémotionnelles, comme de l’anxiété, une humeur dépressive ou des difficultés sur le plan social», indique Rocio Macabena Perez, qui est aussi l’instigatrice et la coordonnatrice du programme.
Élaboré à partir des besoins ciblés sur le terrain, il est le fruit d’une collaboration innovante et de longue haleine entre les milieux communautaire, hospitalier, scolaire et universitaire.
Dans le cadre de son projet de recherche, la doctorante a suivi 50 jeunes de quatre écoles secondaires québécoises. Afin de pouvoir comparer l’effet du programme, deux groupes d’élèves y ont d’abord pris part, tandis que les deux autres étaient mis en attente et constituaient les groupes témoins. Ces derniers ont participé au programme l’année suivante.
Une collecte de données en deux temps
Les élèves – âgés de 15,6 ans en moyenne – devaient suivre des ateliers de création artistique, puis réaliser une peinture murale à l’intérieur de leur école à raison de deux heures après les heures de classe pendant 13 semaines.
La composition de chacun des quatre groupes était mixte: les élèves éprouvant des difficultés représentaient environ les deux tiers d’un groupe, tandis que l’autre tiers était composé de jeunes dont le fonctionnement était harmonieux. Chaque groupe comptait une éducatrice artistique et artiste professionnelle de l’organisme MU ainsi qu’une accompagnatrice psychosociale rattachée à l’école participante dont le rôle était de soutenir l’engagement des élèves dans le programme.
Tout au long du projet, Rocio Macabena Perez, supervisée par ses deux directrices de recherche et professeures à l’École de psychoéducation Kim Archambault et Véronique Dupéré, a recueilli des données quantitatives reposant sur sept indicateurs d’adaptation psychosociale*.
Les données quantitatives ont été obtenues à l’aide de questionnaires auxquels les élèves ont répondu avant d’amorcer le programme, puis deux semaines après l’avoir terminé, et un suivi a été effectué auprès d’eux cinq mois plus tard.
Des données qualitatives tirées de 18 entrevues avec les jeunes ont aussi été recueillies: elles ont permis d’évaluer la portée des relations sociales bâties au sein du programme Art en tête entre les jeunes eux-mêmes et avec les adultes concernés.
L’art mural pour la promotion du bien-être
Globalement, le programme Art en tête a donné des résultats positifs pour chacun des indicateurs, mais «le résultat majeur est la diminution significative des symptômes associés à la dépression: avec une taille de l’effet de 0,25 entre les groupes actifs et les groupes témoins, ce programme parascolaire d’activités artistiques adaptées procure un effet positif semblable à des interventions ciblées pour la dépression», précise Rocio Macabena Perez.
De plus, l’exploration du vécu relationnel «a permis de comprendre ce qui se passe dans des programmes parascolaires en lien avec le développement de relations positives entre les jeunes et avec les adultes, un pan des relations sociales qui n’est pas toujours acquis chez les jeunes qui ont des difficultés socioémotionnelles», ajoute-t-elle.
Cinq mois après la fin du programme, les effets positifs étaient toujours mesurables, notamment au chapitre de l’estime de soi positive, du sentiment d’autoefficacité et du fonctionnement social, avec une tendance à l’amélioration pour tous les autres indicateurs.
Sur le plan qualitatif, les 18 jeunes interviewés ont rapporté avoir grandement apprécié les liens qu’ils ont noués avec leurs pairs et les adultes, de même que le climat relationnel tout au long des ateliers. Et la grande majorité ont vu grandir en eux un sentiment d’accomplissement collectif et d’appartenance à la communauté.
«Ces résultats, publiés dans la Revue de psychoéducation, soulignent la pertinence et la complémentarité des approches de développement positif dans le continuum de services en santé mentale auprès des jeunes, notamment sous forme d’activités parascolaires à caractère artistique», conclut Rocio Macabena Perez.
*Les sept indicateurs étaient les suivants: humeur dépressive, manifestations anxieuses, bien-être subjectif, estime de soi positive, estime de soi négative, sentiment d’autoefficacité et fonctionnement social.
Source : https://nouvelles.umontreal.ca/article/2024/04/08/art-en-tete-attenuer-les-moments-de-noirceur-chez-les-adolescents/
Ce contenu a été mis à jour le 30 avril 2024 à 16 h 50 min.
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