ACFAS : Colloque de SENSUM sur les maladies du cerveau et les troubles de santé mentale au 21e siècle
Vous pouvez désormais écouter les conférences données lors du colloque organisé par SENSUM dans le cadre du congrès ACFAS le 9 MAI 2023. Le colloque portant sur le sujet très d’actualité des maladies du cerveau et les troubles de santé mentale au 21e a réuni des chercheurs confirmés reconnus pour l’excellence de leurs travaux et des chercheurs et chercheuses issues de la relève prometteuse.
Mieux comprendre le développement du cerveau
Les maladies du cerveau et les troubles de santé mentale au 21e siècle
Naguib MECHAWAR, membre du Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés (RQSHA), professeur au Département de psychiatrie – Université de McGill
Il est bien établi que la maltraitance infantile est associée à un risque accru de troubles psychiatriques telle la dépression majeure. Toutefois, les substrats neurobiologiques de cette vulnérabilité sont encore mal compris. Cette présentation fera état de résultats récents générés à partir d’échantillons cérébraux humains bien caractérisés (Banque de cerveaux Doublas-Bell Canada) de dépressifs suicidés avec ou sans historique de maltraitance infantile et de témoins appariés. Plus spécifiquement, notre équipe a identifié une augmentation du nombre et de la maturité de filets péri-neuronaux (FPN) enrobant les interneurones à parvalbumine au sein du cortex préfrontal ventromédian d’adultes ayant subi de la maltraitance sévère au cours de l’enfance. Puisque les FPN sont fortement associés à la fermeture des périodes critiques de plasticité au cours du développement cérébral, nous avons pour hypothèse que le stress subi au cours de la maltraitance infantile stabilise à long terme des connections synaptiques sous-optimales et limite de façon plus prononcée la plasticité corticale. Il sera aussi question de données concernant les mécanismes cellulaires (surtout gliaux) qui sous-tendent cette augmentation de FPN.
Le développement dans tous ces états; pour une approche longitudinale et interdisciplinaire du développement de la personne
Michel BOIVIN, membre du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale de l’enfant (GRIP), professeur à l’École de psychologie – Université Laval
Le fait d’avoir connu des conditions de vie adverses tôt dans la vie prédit des difficultés ultérieures, notamment sur les plans de l’apprentissage, de la santé mentale et de l’insertion dans le marché du travail. Les études longitudinales de populations nous permettent de documenter cette question depuis la naissance, sinon depuis la grossesse. Il nous reste toutefois beaucoup à connaître quant aux processus de développement qui sous-tendent ces associations prédictives, notamment sous l’angle de leurs déterminants génétiques et environnementaux et de leurs possibles interactions. Cette présentation exposera des résultats de l’Étude du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ) et de l’Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec (ÉJNQ), deux études longitudinales d’enfants qui ont été régulièrement évalués, depuis l’âge de 5 mois, sur une variété de caractéristiques personnelles, familiales et sociales se rapportant à la santé mentale, à l’adaptation sociale et à l’apprentissage. Elle fera état des nouveaux outils et approches de recherche qui nous permettent une compréhension plus nuancée des transactions gènes-environnement dans le développement. Il sera notamment question du rôle de la petite enfance, de même que des avantages et des défis posés par l’adoption d’une approche interdisciplinaire biosociale pour comprendre comment l’adversité précoce se combine à des facteurs propres à l’enfant pour prédire les trajectoires de développement.
Caractérisation de la neurogenèse hippocampique adulte dans le cerveau humain par analyse de transcriptomique spatiale
Sophie SIMARD, candidate au doctorat, Université McGill
Contexte et objectif: Au cours des dernières années, l’existence de la neurogenèse dans le gyrus denté (GD) de l’hippocampe humain a été largement débattue au sein de la communauté scientifique. L’objectif principal de cette recherche est de déterminer si la neurogenèse hippocampique persiste dans le cerveau humain adulte avec une nouvelle approche, nommée la transcriptomique spatiale.
Méthodes: La plateforme 10X Genomics Visium Spatial Gene Expression a été utilisée sur des échantillons d’hippocampe post-mortem (Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada) de jeunes adultes et d’adultes d’âge moyen (n=4) pour analyser l’expression spatiale de marqueurs de neurogenèse dans le GD. Nous avons également évalué in situ l’expression et la localisation de ces marqueurs dans des échantillons d’hippocampe humains post-mortem à l’aide d’hybridation in situ en fluorescence avec des sondes RNAscope d’Advanced Cell Diagnostics.
Résultats: Nos résultats révèlent la présence d’une réserve de neurones granulaires dentés immatures dans l’hippocampe du cerveau humain adulte, tout en démontrant que l’expression des marqueurs de neurones immatures est localisée au sein et à l’extérieur de la zone neurogénique de l’hippocampe.
Conclusion: Ces travaux offrent une nouvelle caractérisation de l’étendue de la neurogenèse hippocampique dans le cerveau humain adulte et ouvriront potentiellement de nouvelles avenues de recherche portant sur le rôle de ce phénomène de neuroplasticité sur la santé mentale
L’addiction
La d-amphétamine dans le traitement de l’addiction à la cocaïne
Anne-Noël SAMAHA, membre du Centre interdisciplinaire de recherche sur le cerveau et l’apprentissage (CIRCA), professeure au Département de pharmacologie et physiologie – Université de Montréal
Actuellement il n’y a aucun médicament approuvé pour le traitement de l’addiction à la cocaïne. L’approche la plus prometteuse est un traitement à l’amphétamine. Chez l’humain, le primate non-humain et le rat, l’amphétamine diminue la consommation de cocaïne. La question est comment. Je présenterai de nouvelles données chez le rat et la rate, portant sur les mécanismes dopaminergiques pouvant expliquer cet effet thérapeutique. Des traitements ciblant ces mécanismes pourraient donc être tout indiqués pour traiter l’addiction à la cocaïne.
Modalités de traitement des troubles d’usage d’opioïdes : les effets de la pandémie de COVID-19
Julie BRUNEAU, membre de l’Initiative canadienne de recherche en abus de substances (CRISM), professeure au département de médecine de famille et de médecine d’urgence – Université de Montréal
Au Canada et au Québec, la consommation et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont des problèmes de santé publique majeurs qui entraînent des coûts personnels, sanitaires et sociétaux considérables. Malgré l’énorme fardeau des troubles d’usage de drogues et d’alcool, la mise en œuvre d’interventions fondées sur des données probantes continue de poser des problèmes significatifs.
Les réponses de santé publique à la pandémie de COVID-19 ont eu un impact additionnel sur l’environnement des personnes utilisant des drogues en situation de vulnérabilité, engendrant une réduction de l’accès aux soins et une augmentation des risques liés à la drogue. Au Québec comme au Canada, une augmentation des décès par intoxication liée à la consommation d’opioïdes a été rapportée comparativement aux moyennes pré-pandémiques. En revanche, la pandémie a provoqué une transformation rapide des pratiques cliniques. L’implantation de pratiques alternatives aux traitements agonistes pour les troubles d’usage d’opioïdes, notamment pour contrer les mesures d’isolement instaurées en début de pandémie, questionne aujourd’hui les principes établis dans les modèles de soins existants.
Résultats préliminaires de l’équipe canadienne de recherche sur le cannabis et la psychose (Canadian Cannabis and Psychosis Research Team, CCPRT)
Roxane ASSAF, Laboratoire Préventure, Patricia Conrod, candidate au doctorat, Université de Montréal
Bien que le cannabis soit considéré comme une substance psychoactive non-dangereuse, le risque de psychose lié à la consommation de cannabis demeure un enjeu de santé publique important. Cependant, il n’existe pas de stratégies validées pour la prévention des troubles associés au cannabis. L’équipe canadienne de recherche sur le cannabis et la psychose CCPRT rassemble des chercheurs canadiens pour optimiser la recherche sur les effets neurodéveloppementaux du cannabis pendant l’adolescence. A travers cet effort collaboratif, l’équipe cherche à identifier des biomarqueurs et facteurs de risque pour informer le développement de stratégies d’intervention visant à réduire les troubles psychotiques liés à la consommation de cannabis.
Des analyses de données animales et humaines ont révélé des effets du cannabis sur la maturation cérébrale et l’épaisseur corticale, avec des changements plus prononcés chez les mâles. De plus, des analyses génétiques ont permis l’identification de gènes impliqués dans les effets du cannabis sur la structure cérébrale. Finalement, des données humaines ont démontré que le cannabis influencerait le développement d’expériences psychotiques à travers différents facteurs de risque comme le sommeil, l’anxiété, et le contrôle inhibitoire.
Ainsi, ces résultats préliminaires suggèrent que le cannabis aurait des effets sur le développement cérébral adolescent et l’apparition de symptômes psychotiques tout en soulignant plusieurs facteurs de risque.
La cognition et le vieillissement
Améliorer les fonctions exécutives par la neuromodulation basée sur l’information
Philippe ALBOUY, membre du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS), professeur à École de psychologie – Université Laval
Les fonctions exécutives, telle que la mémoire de travail sont essentielles à la réalisation de multiples activités de la vie quotidienne. Lorsque de telles fonctions sont perturbées en raison d’un déclin cognitif lié à l’âge, la vie devient de plus en plus difficile et isolante. Pour ces raisons, de nombreuses études ont utilisé la stimulation cérébrale non invasive pour améliorer les fonctions exécutives chez l’homme. Cependant, les résultats sont variables et les mécanismes neurophysiologiques par lesquels ces méthodes de stimulation fonctionnent restent en grande partie inconnus. Nous pensons que cela est due à la nature non spécifique des interventions de neuromodulation, dans la mesure où elles ne reposent pas sur une bonne compréhension des mécanismes cérébraux ciblés. Nos travaux démontrent que les interventions stimulation cérébrale non invasive peuvent être optimisées en utilisant des paramètres de stimulation qui correspondent à l’activité cérébrale pertinente d’un point de vue fonctionnel (neuromodulation basée sur l’information). De plus, nous proposons que la neuromodulation basée sur l’information combinée à des interventions comportementales longitudinales (entraînement cognitif) pourrait être une procédure idéale dans le but d’améliorer les fonctions exécutives. L’objectif de ces recherches est de fournir des solutions de neuromodulation optimisées pour améliorer les fonctions exécutives et ralentir ou prévenir le déclin cognitif associé à l’âge.
Pourquoi devenons-nous plus distraits avec l’âge ? Trajectoires évolutives des composantes de la distractibilité au cours du vieillissement.
Roxane HOYER, Post-doctorante, Cervo, Université de Laval
Grâce à l’amélioration du système de santé l’espérance de vie n’a cessé d’augmenter au cours du siècle dernier. Avec l’âge nous devenons cependant plus susceptibles de développer des difficultés cognitives en raison du vieillissement cérébral.
La distractibilité est un état attentionnel qui permet de se concentrer sur des informations pertinentes, tout en restant alerte à l’environnement avoisinant, sans pour autant être distrait en permanence. Il a été montré que la distractibilité change au cours du vieillissement, mais les résultats des études précédentes sont contradictoires. Leur inconsistance aurait une origine méthodologique : la comparaison d’adultes issus de tranches d’âges larges (e.g., 20-40 vs. 50-70 ans) entraverait la caractérisation précise des changements attentionnels liés au vieillissement.
Après avoir utilisé un test comportemental (Competitive Attention Test) chez l’enfant et le jeune adulte pour mesurer différentes composantes de la distractibilité, nous avons testé 191 participants âgés de 21 à 86 ans, répartis en sept groupes d’âge. Les résultats de cette étude suggèrent que l’orientation attentionnelle reste stable de 21 à 86 ans, l’attention soutenue diminue après 30 ans, l’alerte croît après 60 ans, la distraction augmente progressivement entre 26 et 86 ans et, enfin, l’impulsivité diminue chez les adultes les plus âgés.
Les composantes de la distractibilité suivent des trajectoires évolutives distinctes au cours du vieillissement ; avec l’âge, elles mènent progressivement l’adulte à prêter une attention particulière aux informations non pertinentes. Au-delà du simple déclin attentionnel, ces changements reflèteraient la mise en place de stratégies cognitives compensatoires chez les aînés.
Rééducation des troubles du mouvement et de la cognition par de jeux musicaux sérieux
Kevin JAMEY, candidat au doctorat, Département de psychologie – Université de Montréal
La technologie moderne nous permet de créer des traitements motivants fondés sur des activités musicales en utilisant des appareils mobiles et des capteurs. Les jeux scientifiquement validés, ou « jeux sérieux », comme outils d’intervention sont de plus en plus populaires et offrent de nouvelles opportunités pour fournir un entrainement de fonctions cognitives et motrices et une remédiation à travers des expériences multisensorielles. L’entraînement musical est une activité motivante et complexe qui implique la coordination de nombreux processus qui peuvent être améliorés par l’entraînement musical. La musique est de plus en plus utilisée comme complément à la rééducation des patients, principalement parce que la pratique de la musique peut induire une plasticité cérébrale. La musique est efficace chez les enfants atteints d’autisme, de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité, de dyslexie, de la maladie de Parkinson, de la maladie d’Alzheimer et de traumatismes crâniens. Les interventions basées sur le rythme offrent un nouveau point d’entrée pour l’entraînement musical et peuvent être particulièrement efficaces pour améliorer le fonctionnement moteur, exécutif et socio-communicatif.
La solution mathématique et l’IA aux neurosciences et santé mentale
Révolutionner la santé mentale avec l’IA : de la psychiatrie computationnelle à la psychiatrie de précision
Guillaume DUMAS, membre d’IVADO et du Mila, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie – Université de Montréal
Les soins de santé mentale constituent l’un des défis les plus pressants auxquels la société est confrontée aujourd’hui, et les approches traditionnelles du diagnostic, de traitement et de pronostic ont leurs limites. Cependant, les récentes avancées en biologie, notamment en neurosciences et génétique, ainsi qu’en informatique, ont ouvert de nouvelles voies pour améliorer la façon dont nous abordons la santé mentale. En particulier, le domaine de l’intelligence artificielle (IA) a montré un énorme potentiel pour révolutionner la façon dont nous pouvons combiner de larges quantités de données provenant aussi bien de nos génomes que de nos téléphones. La psychiatrie computationnelle est ce nouveau domaine qui cherche à intégrer ces dernières avancées en technologies numériques et informatiques; en combinant les outils numériques, la puissance de l’IA et de la modélisation mathématique, elle vise à transformer la façon dont nous comprenons, détectons et traitons les troubles psychiatriques. Sur le long terme, l’objectif est de façonner des prises en charge sur mesure – optimisées pour les besoins et les profils de chaque patient. C’est ce qu’on appelle la psychiatrie de précision et elle permettra tout autant l’augmentation de l’efficacité des traitements que la réduction de leurs effets secondaires.à
La stabilité des mémoires spatiales dans le cerveau
Sofia SKROMNE CARRASCO, candidate au doctorat, laboratoire du professeur Peyrache, Département de neurologie et de neurochirurgie – Université de McGill
Pour la plupart d’entre nous, se rendre de notre domicile n’est pas un défi en soi. Cette capacité nous semble si naturelle que l’idée de la perdre parait terrifiante. Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, la perte de l’orientation spatiale, même dans un environnement familier, est l’un des premiers symptômes qui apparaît. Pour mieux comprendre la désorientation dans la maladie d’Alzheimer, nous étudions la mémoire spatiale en enregistrant l’activité cérébrale de souris se déplaçant dans plusieurs environnements.
Pour mesurer cette activité cérébrale dans la durée de la région du cerveau impliquée dans l’orientation spatiale, nous utilisons des microscopes miniaturisés (« Miniscopes ») qui permettent d’enregistrer jours après jours l’activité des mêmes neurones. Nous utilisons ensuite des méthodes d’apprentissage machine pour traiter l’immense quantité de données collectées. Cela nous permet d’étudier la représentation de l’espace au niveau neuronal et sa stabilité à long terme.
Nous avons déterminé deux niveaux de stabilité : 1) la relation entre l’activité de deux neurones ne dépend pas de l’environnement exploré. La représentation de l’espace est donc rigide. 2) les neurones préservent leur orientation relative à l’environnement pendant au moins un mois, ce qui suggère qu’une grande stabilité dans le temps des mémoires spatiales. Ainsi, ne vous étonnez pas de reconnaître rapidement le trajet de l’école : vous n’oublierez jamais où est le magasin de bonbons.
Ce contenu a été mis à jour le 9 janvier 2024 à 22 h 07 min.
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